Lions + Sully | 12/95

 

Entre Hae Yeon ou une licorne la différence était infime pour Ardyn et le professeur se promit de répéter ceci à son élève lorsqu’il trouverait le courage de lui avouer les faits. Il avait un énorme faible pour le cousin de son étudiant. Quand ce dernier y pensait, c’était plutôt effrayant tant le monde était petit, mais c’était également adorable en un sens, il appréciait tant le sportif qu’il avait confiance en Ardyn d’autant plus. Bien sûr il ne fallait pas juger par association, mais son instinct ne s’était pas trompé et quelque part, il retrouvait cette fiabilité en eux assez similaire pour être notable.  Une licorne, sans doute par ses rêves extraordinaires et pourtant réalisables, ce grand optimisme et cette fougue. L’espièglerie ne faisant pas partie de la pureté de l’animal, néanmoins cet amusement étrange et enfantin oui. Quelque part, Sully acquiesce et poursuit le chemin avec la petite famille.

Rosa aux anges ne semble pas paniquée à l’idée de recevoir un petit volatile sur sa tête ou son épaule, quand à Sully, terrorisé, il laisse Ardyn l’approcher pour lui faire une démonstration. Il ferme les yeux quelques secondes avant de constater que le hibou avait élu domicile au sommet de sa tête, le faisait malgré tout sourire alors qu’il tentait de caresser la bête. « Je ne promets rien, tout comme eux je suppose qu’il ressent un peu mon appréhension » dit-il en retirant maladroitement ses doigts lorsque l’oiseau cherche à les lui attraper. « Hm… aller, laisse-toi faire et sans prendre mes doigts pour des vers de préférence ? » Il y va plus franchement, provoquant un regard et une aile qui le poussent, cependant, l’oiseau se détourne de lui comme pour lui montrer que ce n’est pas un problème, qu’il ne s’en méfie pas. Sully tente sa chance sous les applaudissements de Rosa et d’un petit public. Ses bras reviennent sur les côtés de son corps tandis qu’il observe Ardyn s’en sortir bien plus que lui. Ce n’est finalement pas étonnant et il admire énormément ce calme et sang-froid dont lui manque malgré les apparences. Un grand timide qui malgré tout s’affirme et une personnalité de feu qui malgré tout se refreine, ils s’étaient bien trouvés, il n’y avait pas à dire.

Lorsque l’attraction se termine, le brun se détend un peu, se laissant moquer par la demoiselle qui le rassure malgré tout en lui offrant une étreinte. Il lui caresse doucement le dos, puis propose tout simplement « un repas vous tenterait ? Pour nous… enfin, pour me remettre de mes émotions et également parce que l’heure le permet » C’était la seconde fois qu’il mangerait avec eux si l’on omettait le petit encas sucré d’il y avait quelques heures. Cette fois, ce ne serait pas un dessert, une sorte de premier rendez-vous « en famille ». Sully ne put s’empêcher de penser à son frère et sa sœur qui devaient bien se demander où il était et il espérait ne pas voir leurs têtes dépasser de derrière un banc… ils en étaient fort capable. Il se contente de se dire qu’il leur en parlera quand le moment sera venu, en espérant seulement qu’un réel rendez-vous ait lieu.

Sully n’avait jamais été confronté à cette peur, il était lui-même surpris de ne pas apprécier les volatiles autant que ses deux acolytes. Mais il ne le prenait pas trop mal, souriant au contraire d’avoir tenté malgré cette tension palpable lorsqu’il avait approché ses doigts du plumage de son oiseau. Aidé par Ardyn et moqué légèrement par la douce Rosa, il avait plutôt bien pris la chose avant que la fin du Zoo ne se profile. Ses mains avaient retrouvé naturellement ses côtes, bien que cela lui faisait déjà bizarre de ne plus avoir celle de l’anglais en contact. Il mord l’intérieur de sa joue avant de lever le nez et de leur proposer de manger ensemble. Ils furent si enthousiastes à secouer la tête vivement que Sully ne put réprimer un rire, mordillant sa lèvre à l’allusion faite sur leur prochain rendez-vous en tête à tête cette fois-ci. Il n’aurait de cesse d’y penser que lorsqu’il y serait et cela promettait pour ses cours. Il fallait absolument qu’il se concentre. Le père et sa fille ouvrent la voie tandis que c’est au tour du professeur d’acquiescer pour accepter le restaurant qu’il ne connaissait absolument pas. Deux hommes et une petite fille, concrètement, les gens ne savent pas ce qu’ils sont et c’est quelque peu rassurant, surtout pour l’enfant en réalité. Bien qu’ouverte d’esprit, elle ne comprendrait pas la méchanceté gratuite qui leur tomberait dessus seulement parce qu’ils seraient un couple d’hommes. Il frissonne à cette idée, à la fois frustré et contrarié de ne pas pouvoir scander sans perdre possiblement son travail sa nature. Evidemment, il n’était pas non plus pour afficher clairement son orientation, non pas parce qu’il en avait honte ou qu’il craignait pour autrui cette fois, mais plus parce que même pour la « normalité », appellation injuste, mais néanmoins définissant une majorité, il n’y avait pas lieu d’afficher ce qui était intime. Tenir la main de quelqu’un n’avait rien d’indécent et pourtant, entre deux hommes ça pouvait très rapidement dégénérer, ironie, puisqu’on laissait les enfants faire innocemment ou que deux femmes pouvaient également s’adonner à cette pratique. Aucune jalousie là-dedans, simple analyse, comme si deux femmes ne pouvaient pas s’aimer… ah, décidément, il avait encore du chemin à faire avant d’obtenir de ses élèves, du moins une grande partie, un minimum de respect et d’ouverture d’esprit, c’est ce qu’il se disait.

Plongé dans ses pensées, il penche la tête, répétant mentalement les mots d’Ardyn avant d’en comprendre le sens. Il esquisse un léger sourire, doux et intelligent, comme à son habitude. « Peu flatteur pour eux de ne pas s’être intéressé à l’essentiel, mais c’est tant mieux pour moi » Y avait-il une allusion aux intentions de ces hommes ? Ou avait-il compris de travers ? Il était fort possible que ce soit le cas, néanmoins il n’avait aucun doute sur le fait que pour une fois, il était chanceux de ne pas être passé à côté de sa chance. « Je ne risque pas d’avoir peur d’une petite princesse comme Rosa, même si je ne doute pas que mademoiselle a son petit caractère quand elle veut et elle a bien raison. Elle tient ça de son père je suppose » dit-il dans un petit rire étouffé avant de lever sa main pour caresser la joue de ladite demoiselle. « De mon côté je n’ai jamais eu l’occasion de prêter trop attention à qui que ce soit, ma petite famille ayant beaucoup d’importance ainsi que mon travail, en général… on avorte toute tentative de rapprochement » il sourit à son tour. Accepter sa famille et tout ce que cela implique demande aussi quelques efforts, à eux deux, il ne sera pas évident de s’organiser pour concilier tout ça, néanmoins il y croyait. Lui aussi avait glissé une allusion… peu glorieuse, du moins dans ce jeu de mâles dominants qui participe à la compétition de celui qui est le plus dominant de tous… lui ne le voit pas ainsi. Sully n’a aucune expérience, à l’exception de quelques caresses et baisers chastes et il n’a jamais vraiment nécessité plus avec quiconque. « Et toi ? As-tu peur ? »

Il était prêt à prendre un risque, lui le nerd qui restait confortablement dans les rangs quitte à se priver de biens des choses pour le bien de tous. En prendre pour les autres ne le dérangeait pas, c’était à son sens un rôle qu’il prenait très à cœur en temps qu’éducateur, voulant donner toutes les chances à ceux qui feraient demain. Cette première fois qu’il se montrait égoïste sans pour autant faire abstraction des conséquences, il ne la lâchait pas. Il voulait avoir confiance en Ardyn, bien qu’il ne lui demanderait jamais de partager son fardeau avec lui. Il avait déjà à charge une petite princesse adorable et ne voulait pas l’incomber de plus de poids sur ses épaules. L’Anglais avait un passé, avait connu plusieurs hommes, Sully n’en était pas jaloux, si aucun n’était à ses côtés aujourd’hui, pourquoi le devrait-il après tout ? Il se sentait malgré tout coupable de penser cela, néanmoins satisfait de pouvoir dire clairement qu’il était heureux de ne pas être comme eux et de pouvoir partager bien plus avec Ardyn qu’avec personne dans sa vie. Il avait fallu d’un noël où il n’avait rien souhaité pour que cette rencontre se produise. Une initiative qui lui avait apporté bien plus qu’elle lui avait couté au final et il en sourit d’ailleurs, ébouriffant la demoiselle qui apparemment peut être un petit démon quand elle le souhaite. « Malgré tout j’ai hâte d’y être confronté, si j’avais pu enseigner à toutes les classes je l’aurais fait, mais le manque de temps et l’impossibilité de le faire m’a poussé à faire des choix » il est bien plus difficile de prendre en charge des enfants que des adolescents pour Sully qui a cette habitude depuis si jeune avec sa fratrie. À son tour il se demande si être avec lui n’est pas un peu précipité pour Ardyn, dans le sens ou justement ses frères et sœurs pourraient leur voler du temps, bien que le professeur ne le voit pas de cet œil, il savait que possiblement, son entourage avait cette crainte et ne s’approchait pas de lui pour ces raisons. Il en fit part au concerné et cette assurance dans sa voix… Sully en frissonna des pieds à la tête.

Le Coréen dut se mordre l’intérieur de la joue pour ne laisser aucun signe de sa surprise apparaître et calmer par ailleurs les battements frénétiques de son cœur. Ses yeux ancrés à ceux de l’étranger, il a du mal à soutenir cette éventualité, néanmoins… il appréciait particulièrement cette force de caractère à la fois culottée et courageuse. En d’autre terme, c’était ce qu’il lui fallait. Nouveau frisson, enfreindre les règles… Sully avait énormément de mal à le faire lui, mais inconsciemment il l’avait fait de nombreuses fois notamment avec Hae Yeon… petit garnement qui malgré tout reste bien plus sage qu’il veut bien le prétendre. Leofi n’était pas mal dans son genre et évidemment, Merry et Molly sont de ce genre, en réalité, il n’y avait que lui pour essayer de maintenir un semblant d’ordre ? Ce qui le fit rire. « J’ai l’impression que je vais beaucoup en apprendre dans les jours à venir et ça n’est pas pour me déplaire » les voilà arrivés au petit restaurant, avec une Rosa excitée comme une puce au milieu d’un père et d’un homme qui pourrait très bien devenir son deuxième papa si elle lui laissait cette chance.

Il était adorable, montrant si visiblement ses craintes autant que lui qui était pour le moins inexpérimenté dans le domaine sentimental amoureux. Sully avait la pression, mais il voulait y croire et surtout ne pas décevoir. Il lui était arrivé, comme tout adolescent d’idéaliser les personnes qu’il côtoyait ou simplement des artistes qu’il affectionnait, pour en être déçu par la suite, tout comme ses minces relations qui n’avaient jamais abouties pour des raisons évidentes : sa famille. Néanmoins, il n’était pas peu fier de n’avoir pas laissé leur chance à ceux qui auraient pu prétendre se tenir à ses côtés, il n’aurait pas toléré que l’on rejette ou que l’on l’éloigne sa fratrie. Encore bien moins que l’on lui pose cet ultimatum inhumain de choisir entre les deux, car le choix était rapidement fait. Ardyn à côté de lui, avec une Rosa joyeuse, il se mord la langue pour ne pas sourire plus fort, révélant déjà bien assez cette fossette traitresse qui témoigne de son état. Il trouvait l’anglais plus que séduisant, si humain, si imparfait et si semblable à lui que ça en était presque irréel. « J’ai la fâcheuse manie de ne pas reculer devant les énigmes et j’aime particulièrement lorsqu’elles sont complexes » une réponse pour le moins littéraire, avant qu’il ne reprenne malgré tout « Je pense la même chose cependant, mais je suppose que la curiosité que nous avons chacun à l’égard de l’autre ainsi que cette ouverture d’esprit qui nous rend différent sont deux éléments cruciaux et rassurant pour la suite » autrement dit, s’être déjà confiés avoir un béguin certain n’était pas une mince affaire et le reste ne dépendait que d’eux, de leurs façons d’être, de leur compatibilité, rien ne serait négligé et tout cela en restant soi-même.

La proximité soudaine fut troublante pour le professeur qui relève le nez de son menu uniquement pour écouter les précieux conseils du connaisseur. Il acquiesce et commandes-en ce cas, se disant d’ailleurs qu’un repas familial comme celui-là l’aurait mis mal à l’aise s’il n’y avait pas eu Rosa. Après tout, manger un cheeseburger en compagnie de son coup de cœur était sans doute dans le top dix des erreurs à ne pas commettre pour séduire, mais il n’était pas là pour cette raison aujourd’hui. Ou peut-être que oui ? La déclaration de l’anglais le fait légèrement frissonner. « O-oui il semblerait. Rosa a tant d’énergie à revendre » dit-il en ayant un sourire amusé, tendre du simple fait qu’elle lui rappelait constamment les moments d’insouciance nostalgiques de sa fratrie. Il ne savait pas quoi faire de ce temps pour eux, loin des regards de tous ces gens préoccupés par leurs enfants, Sully ne savait pas quoi faire quand il pensait à lui et seulement lui, malgré toutes ses questions, il n’osait en poser aucune, au contraire, il masse sa nuque nerveusement, devait-il s’excuser pour cette gêne bien présente malgré tous ses efforts ? Son cœur battait la chamade.

Il est vrai que Sully n’avait pas grande expérience pour l’expression de ses sentiments, à vrai dire les seuls qui avaient droit à ses déclarations étaient ses amis et sa famille. Bien sûr, cela impliquait qu’Ardyn soit à mi-chemin entre les deux, membre de sa famille, parmi ses amis il était certain, mais avec cette place spéciale qu’il n’avait jamais accordé à personne du moins pas avec cet espoir flagrant qu’il soit bien plus qu’un ami. Il masse sa nuque, laissant entendre qu’il n’était pas effrayé, il n’avait aucune raison, la seule chose qui lui fasse peur soit cette nouveauté en soi, ce n’était pas ce qui ferait reculer le coréen. Il lui offre un sourire avec cette fossette bien présente, à la fois embarrassé et pourtant bien heureux. « Je ne sais pas ? Une habitude sans doute » dit-il en riant malgré lui.

La demoiselle les laisse entre adultes et étrangement, Sully est un peu plus mal à l’aise, mais il ne se démonte pas. Si gêné par sa timidité qu’il l’était, ça ne l’empêchait en rien de rester assis à côté d’Ardyn qui mettait un point d’honneur à le faire rougir comme jamais. « Je sais bien, pardon » il essayait tant bien que mal de masquer cette gêne, mais à défaut de pouvoir la supprimer totalement, il écoute l’anglais attentivement et ses yeux s’agrandissent à mesure que les mots défilent. Il déglutit, acquiesce sagement, avant que ses lèvres ne se pincent en un trait fin. « De rien, je… suppose que mes parents ont grandement contribué à ce que ma fratrie et moi ne soient pas comme tout le monde, nous portons tous les trois des prénoms plutôt originaux alors après tout, je ne vois pas pourquoi j’aurais été effrayé » quand bien même il cherche dans ses yeux de couleurs différentes une explication, il se met à sourire. « Et tes yeux sont très beaux » perdu dans sa contemplation il papillonne légèrement et détourne brièvement le regard avant de prendre le temps nécessaire pour ne pas disjoncter. C’était une déclaration verbale, claire et précise, comme il en attendait du moins il n’aurait pas pu mieux choisir ses mots qu’en étant si direct, Sully n’aurait décemment pas cru à une allusion, se sous estimant en matière d’amour et il n’en revenait d’ailleurs pas de l’avoir entendu. Mais ne voulant pas qu’un malentendu s’installe, il relève le nez vers l’étranger. « Je vais être honnête je pensais justement que…si je devais définir ce que je ressens pour… toi ce ne serait pas simplement de l’amitié » il se devait d’être plus ouvert lui aussi. « Et ça n’a rien de fraternel non plus, pour avoir ce sentiment protecteur à l’égard de beaucoup trop de personnes, je sais faire la différence et je n’ai jamais ressenti pour personne ce qui est en train de se passer entre nous » ça allait beaucoup trop vite pour lui et le sang affluait si vite que le brun frissonna malgré la chaleur que produisait son corps. « Je ne veux pas que ça aille trop vite, prenons notre temps maintenant que les choses sont dites, apprenons simplement à nous découvrir petit à petit et à apprivoiser nos environnements respectifs pour en trouver des communs ? » C’était étrangement très carré ce qu’il venait de dire, ce qui laissait supposer que la façon la plus adéquate pour Sully de ne pas perdre ses moyens était de rationaliser les choses. « Hm, désolé pour cette façon particulière d’énoncer les choses j’essaie de ne pas paniquer à vrai dire »