cinquième étage. haeyeon, merry et sully

 

Pas le temps de comprendre les cris qui nous parviennent aux oreilles, que tout se met à trembler. Les vitres explosent, les murs deviennent de dangereux débris et le sol disparait sous nos pieds. Il n’a fallu que quelques secondes pour que tout ne devienne plus que poussière et ruine. On se croirait dans un film sur la fin du monde. La poussière est bien trop lourde, elle vient m’obstruer les poumons. Je tousse et aperçois une dernière fois Sully et Merry avant que tout ne devienne sombre. Une vive douleur me pique au cœur, puis, plus rien. Je vais mourir dans une boutique de lingerie, quelle vie.

Le temps s’est comme arrêté. Je ne sais pas ce qu’il se passe autour de moi. J’ignore tout de la raison de ces événements. Toujours inconscient, je peux sentir comme un poids contre mon torse. Là où mon cœur est déjà suffisamment lourd. Mais ce n’est pas ça qui va me réveiller. Je n’ai pas l’énergie de le faire. Du moins, jusqu’à ce que je sente plusieurs tapes sur ma joue. Un froncement de sourcils, puis un grognement et finalement, je me réveille en sursaut. Le souffle me manque et immédiatement je viens porter ma main à mon cœur, toujours affolé. M’étant redressé trop vite, tout est encore flou autour de moi, je suis encore sonné et j’ai l’impression que les murs continuent de trembler. Mon regard se pose tout d’abord sur Merry puis sur mon prof et enfin je comprends que je ne suis pas mort. « Seonsaengnim… Merry… » Une main sur la tête et je viens me masser le crâne tout en grognant. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Encore à l’ouest, pas le temps de regarder l’étendu des dégâts. Peu à peu, je récupère mes esprits et tout me revient. Immédiatement, je me redresse sur mes pieds avec un peu trop de précipitations et m’exclame alors que mes yeux font la navette entre les deux frères. « Vous allez bien ? Vous êtes blessés ? »

À peine réveillé, j’ai l’impression d’étouffer, l’air me semble si lourd. Je suis même sûr que si l’on ne sort pas d’ici dans peu de temps, on va finir par mourir d’asphyxie, ou bien écrasés sous des décombres vu notre chance. Bien heureusement, voir les deux Lim m’empêche de penser plus longtemps à ça et même si, peu à peu, je commence à paniquer, je préfère me concentrer sur eux. J’ai besoin de savoir s’ils vont bien et surtout, s’ils seront capables de sortir d’ici. Je suis bien sûr sonné, mais physiquement, je n’ai pas l’impression d’avoir été gravement blessé. Il faudra juste que je fasse attention à mes pas. Quant à eux, j’espère que rien de grave ne leur est arrivé et leurs mots me rassurent à moitié. Une épaule déboîtée, c’est pas évident. C’est des choses qui arrivent parfois en plein entraînement de sport, mais là, c’est différent. Je n’ai pas le temps de réprimander le jeune Merry que mon prof vient plutôt me demander si j’ai toute ma tête. Je la secoue donc et lui réponds avec ma fausse insolence de sale gosse. « Vos doigts vont bien mais… Pourquoi vous avez trois têtes ? » Une façon bien à moi de lui faire savoir que je vais bien et surtout, qu’il ne doit pas s’inquiéter pour moi. C’est pas très malin de faire ce genre de remarque à un moment pareil, mais qu’importe. C’est bien Merry qui m’inquiète le plus pour le moment.

Debout sur mes pieds, je lance un regard sérieux à mon prof, il faut qu’on fasse quelque chose. Posant une main sur le bras non-blessé de l’étudiant sans être brusque, je le retiens silencieusement et de nouveau, je lance un regard à monsieur Lim. « Il faut vraiment redresser cette épaule… On sait pas combien de temps on sera bloqué ici… On pourra pas aller bien loin sinon et en plus, tu risques d’avoir encore plus mal si on s’en occupe pas. » Quoiqu’il dise, la décision est prise. On m’a déjà fait ça quand je me suis fait mal il y a quelques années, alors, je peux bien le refaire… Du moins, j’espère. Je m’approche de son épaule blessée et lance « Seonsaengnim, attrapez bien son épaule pour le maintenir en place. » Celle qui n’est pas blessée bien sûr. Une main sur son poignet, l’autre sur son coude, je déglutis, espérant que cela se passe bien. « Ça va faire mal. » dis-je tout de même. Un dernier regard en direction du prof pour s’assurer qu’il le tient bien et je me mets à tirer avec lenteur et force vers l’extérieur. Je grimace, ça doit faire un mal de chien, pourtant je le lâche pas. Je continue de tirer jusqu’à ce que l’articulation se remette plus ou moins. « Ça devrait tenir pour le moment. » Malgré tout, je viens retirer mon sweatshirt afin de lui faire une sorte d’écharpe, lui permettant de soutenir son bras blessé et d’éviter tout mouvement dangereux pour sa guérison. « On attendant de trouver mieux, va falloir se contenter de ça. » murmurais-je tout en attachant bien le vêtement autour de son coude et de son cou. Et ce n’est que maintenant que je permets de prendre mon souffle… Ouais, ça devrait tenir jusqu’à ce que les secours s’en occupent. Espérons.

Il allait bien ? Sully était partager entre exploser littéralement et lui dire que ce n’était clairement pas le cas et se contenir pour ne pas justement empirer cette situation déjà bien assez stressante. Il opta pour la première solution, s’occupant du garçon qui avait reçu un sacré coup à la tête. Son humour n’avait subi de dégât lui et un léger sourire attendri se profila sur ses lèvres tandis qu’il se relevait. Avec de l’aide et le regard insistant de leur cadet, le professeur compris qu’il était nécessaire d’immobiliser Merry et ce ne fut pas évident en vue de ses craintes. Etonnamment il se laissa faire. « Ne bouge pas et ne refuse pas, ce sera pire si tu fais un faux mouvement » dit-il calmement. Il espérait et croisait les doigts mentalement qu’Hae Yeon sache ce qu’il faisait. Il pouvait lui faire confiance, ça il n’en doutait absolument pas. Il était en position, maintenant Merry par l’épaule, frissonnant en entendant l’os craquer et observa le cadet faire une attèle de fortune avec son haut. L’enseignant acquiesce, caressant l’épaule valide de son frère et se saisissant de celle du plus jeune. « Merci Hae Yeon. On va s’en sortir tous les trois » dit-il.

Entre la pénombre de l’étage et le manque d’air dépourvu de poussière, ils avaient tout intérêt à se dépêcher. Les trois garçons cherchent, Sully essaye de repérer des escaliers valides pour mener aux étages inférieurs et possiblement trouver une sortie de secours, mais l’état des lieux était tel qu’il avait du mal à se situer. « On va y arriver » c’était tout ce qu’il pouvait se dire « On va sortir de là » se répétait-il mentalement en surveillant l’état de ses cadets. Il inspire profondément à l’intérieur de son haut et ramasse, au sol ce qui semble être un paréo… ou du moins un tissu assez large pour qu’ils puissent le partager et s’en faire des masques. L’aîné n’hésite pas une seconde, le partageant en trois de façon à ce qu’ils puissent l’attacher derrière leurs têtes et tend chaque bout de tissu en les secouant pour qu’il n’y ait pas tropdarkturquoise. « Mieux que rien, ça nous aidera à avancer »

Je sais bien que c’était carrément dépasser les bornes de lui faire ça, mais qu’importe, il a beau supporter la douleur pour le moment, Merry risque une bien plus importante blessure si on ne fait pas en sorte de sécuriser son épaule. Bien sûr, il n’est pas content et je le comprends, mais cela ne suffit pas à m’arrêter, aidé par mon professeur. L’adrénaline, quelque chose d’éphémère sur laquelle il ne devrait pas autant compter. Il suffirait d’un simple mouvement brusque, d’un simple débris se décollant du plafond ou des environs pour lui faire vivre un véritable cauchemar. Alors, je souffle, mais ne dis rien, préférant me concentrer avant de réaliser cette opération improvisée. Tirant sur son bras, l’os vient glisser afin de se remettre à sa place, arrachant un cri de douleur au pauvre garçon. Pour le coup, je ne peux rien faire pour l’aider à l’atténuer, je ne peux qu’en grimacer.

Il se remet de son choc et nous fait bien sûr part de son mécontentement. Je roule des yeux et lui réponds en soupirant. « D’ici un petit instant, t’auras déjà plus mal et au moins, tu risques pas de te blesser encore plus. » Ça demandait quelques minutes, ou quelques secondes chez les plus forts, mais la douleur ne va pas tarder à partir. Et bien sûr, plutôt que de m’excuser, je préfère lui tenir tête. M’enfin, ce petit désaccord nous a au moins permis de retrouver nos esprits et de se concentrer sur notre principal objectif ; sortir d’ici. Avant que Merry ne se décide à m’étriper vu cet air sombre qu’il arbore actuellement. Saisissant le morceau de tissus tendu par Sully, j’hoche simplement la tête avant de me l’attacher correctement. Entre temps, Merry était déjà en train d’avancer, nous laissant mon professeur et moi derrière lui. Lançant un regard au plus âgé, je viens lui murmurer. « Il m’en veut à mort, hein ? » Je secoue la tête afin de me remettre les idées en place et m’avance à mon tour, laissant mon regard se poser un peu partout tout en évitant de tomber avec tous ces mannequins au sol. On se croirait dans un film d’horreur. « Vous pensez que le courant passe toujours ? » Parce qu’on y voit rien là. « Faut trouver la sortie de secours. »

Et bien, on peut me féliciter car je viens bien de réaliser l’impossible ; mettre en rogne Merry. Dès notre première rencontre, je me suis dit qu’il devait être de ceux qui voient toujours la vie du bon côté, toujours de bonne humeur mais qui, comme n’importe qui, peut tout de même se vexer. Et cette fois-ci, ce que j’ai fait est bien pire que le traiter de type louche. Mais peu importe, je ne regrette ni mon geste ni cette colère justifiée qu’il ressent à l’égard de son frère et moi. Je pourrais lui faire un discours bourré d’arguments sur ô combien il aurait été bien plus dangereux de le laisser comme ça dans une telle situation, mais je ne dis rien de cela. Je viens plutôt souffler tout en roulant les yeux en le voyant refuser l’aide de monsieur Lim. « C’est bon, on a compris que t’étais pas content. Mais ce qui est fait, est fait. » Et même, n’est plus à faire. Je perds patience à mon tour car même si en apparence, je me montre plutôt calme, intérieurement c’est une vraie bataille qui se déroule dans mon esprit. On perd du temps. Alors que chaque seconde est comptée. On ne bouge pas assez vite, on perd du temps sur de simples détails alors que… Je veux juste qu’on sorte de là. Vivants. Et vite.

La colère de Merry m’a, pendant un temps, permis de ne pas penser à tout ce qui nous entoure mais maintenant, cela n’est plus efficace. Une nouvelle tentative de garder un certaine calme à laquelle mon jeune professeur vient répondre. Ses mots me font grimacer, je n’avais pas pensé à ça. On doit vraiment pas traîner dans le coin. Toujours du sarcasme de la part du danseur, je l’observe avancer tel un éclaireur tout en réfléchissant. Je tente de suivre ses pas pour ne pas me prendre les pieds dans je ne sais quoi. On est tombé de tellement haut qu’on s’est retrouvé à l’étage du dessous, il doit sûrement y avoir quelque chose en dehors des débris causés par la boutique de lingerie. « Il y a des boutiques de sport… Doit peut-être y avoir des trucs qui nous seraient utiles. » Notamment le matos pour les excursions ou randonnées. Je continue de réfléchir tout en me frottant le menton. « Sinon, ils sont censés être équipés pour les coupures de courant, non ? Ils planquent sûrement des torches quelque part… » Par chance, cette réflexion m’a permis de ne pas me soucier des environs et ainsi ignorer totalement cette découverte qui a quelque peu traumatisé l'étudiant.

Une nouvelle inspiration et je me dis qu’il est temps de mettre au point un plan. « Je vais aller fouiller par-là. » dis-je tout en désignant cette ruine composée de morceaux de comptoir et caisses enregistreuses, le personnel doit certainement planquer des choses intéressantes dans leur poste de travail. Mais avant, je réajuste mon masque de fortune et leur lance « On fait un repérage des lieux et on fouille, si on trouve quelque chose pour nous éclairer ou même du tissus plus résistant. » D’un mouvement de tête, je désigne cette attèle faite avec mon sweatshirt qui ne doit pas être très pratique. Et si on ne trouve rien dans ces débris, ça ne fait rien, on a tout un étage endommagé pour partir à la chasse aux trésors. « Enfin, sauf si vous avez une meilleure idée ? » Mon regard se pose naturellement sur mes deux compagnons puis s'attarde sur Merry qui, de nous trois, semble avoir perdu toute patience.  

C’était inconscient de ne pas mettre de tissu, Sully avait insisté, mais il n’avait rien obtenu de Merry qui ronchonnait encore. Le professeur réfléchissait malgré tout à comment sortir et ils devaient trouver de quoi faire. La dispute qui éclatait entre Hae Yeon et son frère ne le rendait malheureusement pas joyeux. Il n’avait offert qu’un maigre sourire à Merry en espérant qu’il se calme et tapoté le dos d’Hae Yeon en avançant. La boutique de lingerie, meilleur moyen pour les faire passer pour des pervers, au moins le doute n’était plus concernant le cadet. Il glissa un timide « moi non plus » avant de masser sa nuque et de soupirer. L’électricité, c’était vrai, ça devait être coupé en cas de problème, il acquiesce, puis suis les conseils du plus jeune, passant devant ce qui ressemblait à un corps. Il cherche du regard ses compagnons de mésaventure et déglutit difficilement, la gorge serrée. Il ne dit rien, il inspire profondément au travers de son masque de fortune et se dirige dans un autre coin de l’étage pour chercher ce dont ils avaient besoin afin de sortir, ou tout simplement les issues de secours si elles étaient encore debout. « Il faut qu’on sorte oui, alors cherchons du tissu, de quoi nous éclairer et la sortie, oui, trois choses, trois personnes, c’est parti, pas une minute à perdre »

Il n’avait pas bougé, observant l’homme dont le corps sans vie demeurait sous les décombres. Il les enlève peu à peu, comme pour soulager ce qui reste de poids inutiles… puis il s’en détourne en se concentrant sur les deux plus jeunes. Il se mord la lèvre, du tissu ils allaient surement en trouver, dans son souvenir, de nombreuses boutiques arboraient des collections, tissu de qualité de ce fait.

Des instructions plutôt simples et claires, rien de bien réfléchi ou élaboré, mais dans une telle situation il est quelque peu difficile de mettre au point une vrai plan stratégique. Je ne pense qu’à notre survie et à rien d’autre. J’essaie tout de même de faire taire cette panique qui me gagne lentement, préférant prendre cela comme un entraînement. Le genre d’entraînement que j’aurais sûrement à l’armée. Une épreuve de courage et de patience aussi, peut-être. Quoiqu’il en soit, les deux frères semblent du même avis et ainsi, nous nous mettons d’accord. Un hochement de tête et je m’éloigne de quelques pas. Je suis bien tenté d’aller voir plus loin, histoire d’observer ce qu’il reste des autres boutiques, mais au fond je n’ai pas très envie de m’éloigner d’eux. C’est pas très malin, mais je préfère être prudent, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Alors, je pars à la recherche d’outils pouvant nous être utiles dans notre évasion. Me battant avec mannequin et décombres, je fouille parmi ces morceaux de ciments et lingeries déchirées, cherchant désespérant n’importe quoi, n’importe quelle connerie qui pourrait nous aider. Mais rien, si ce n’est un téléphone en très mauvais état et complètement inutilisable. Il pourrait se briser au moindre coup de vent. Un soupir de frustration et je continue de m’avancer, m’éloignant encore un peu plus des frères. En temps normal, j’aurais peut-être prêté attention au contenu des caisses enregistreuses, mais là c’est plutôt le contenu placards défoncés et autres qui m’intéresse. Du matériel de staff, parfait. Je vide vite le premier contenu, n’y trouvant que de quoi étiqueter et mesurer, ainsi que quelques calepins. Rien d’utile. Je désespère pas, fouillant la prochaine case et d’après la sécurité brisée, c’est du lourd. J’y trouve d’abord un trousseau de clés et lorsque mes yeux se posent cet objet tant convoité, j’oublie le reste. Une lampe, enfin. Une lampe torche bien comme il faut, celle qui est prévu en cas de coupure d’électricité. Parfait.

Prenant les clés et la lampe, je retourne sur mes pas, regardant un peu autour de moi à la recherche des Lim. J’esquive de nouveau ces pièges au sol et les rejoins quelques instants plus tard. Ne perdant pas mes manières de sale gosse, je m’avance plus furtivement, comptant sur ma discrétion pour ne pas me faire remarquer. Ils sont de dos, ils ne peuvent pas me voir et de toute façon, ils ont l’air ailleurs. Ils finissent par se séparer, le danseur avançant de quelques pas alors que le professeur s’apprête également à aller de son côté. Cependant, sans prévenir, j’allume soudainement la lampe afin de les éclairer, lançant un « Bouh » tout en m’avançant vers eux. Pas très malin, une fois de plus, mais qu’importe, c’est une manière pour moi de déstresser un peu. Sauf que bien vite, mes yeux se posent sur ce qui attirait tant leur attention un peu plus tôt et maintenant éclairée par la lumière, impossible de ne pas le remarquer. Les yeux écarquillés par le choc, je laisse échapper un cri. « Oh merde ! » Par réflexe je détourne les yeux et pose ma main libre sur ma bouche qui, pourtant, est déjà couverte par le tissu. Je n’ose pas regarder. « Est-ce qu’il est vraiment… Enfin, il est… » Non, non, ce n’est pas possible. Est-ce aussi ce qui va nous arriver si on continue de traîner par-là ? On va mourir, c’est sûr. Je secoue tout de même la tête et leur annonce ma découverte. « J’ai uh… J’ai trouvé une lampe, qu’une seule… Et ça, ça pourra peut-être nous aider. » dis-je tout en secouant un peu les clés. Garde ton sang froid, allez, regarde pas ce corps. Je prends une inspiration et déglutis, c’est pas le moment de baisser les bras.